Lutter contre la sédentarité en Creuse : initiatives, programmes et dynamiques locales d’activité physique

En Creuse, comme dans de nombreux territoires ruraux, la question de la sédentarité prend une dimension spécifique. Territoire moins dense, vieillissant (près de 36% de la population a plus de 60 ans, selon l’INSEE), avec une part importante d’habitants vivant loin des grands centres urbains ou d’infrastructures sportives, la Creuse présente des vulnérabilités, mais aussi de vraies ressources pour agir.

Selon le baromètre annuel de Santé publique France (Santé publique France), près d’1 adulte sur 3 en France ne respecte pas les préconisations minimales d’activité physique. En Creuse, les données de l’ARS Nouvelle-Aquitaine pointent une fréquence de maladies liées à l’inactivité (diabète, maladies cardiovasculaires) supérieure à la moyenne régionale, souvent due à une moindre accessibilité aux équipements sportifs et à l’automatisation croissante des tâches de la vie courante.

Comprendre ces enjeux, à l’échelle de la Creuse, c’est aussi valoriser les atouts du territoire et les stratégies qui y sont développées : dynamique associative remarquable, coopération intergénérationnelle, potentiel naturel pour les pratiques de plein air… autant de leviers qui permettent de réinventer les programmes d’activité physique pour tous.

La sédentarité se définit comme le cumul d’activités éveillées en position assise ou allongée avec très faible dépense énergétique, hors temps de sommeil (source : Haute Autorité de Santé). Cela concerne le temps passé devant les écrans, assis dans les transports, ou sur un lieu de travail non actif. Il s’agit d’un enjeu distinct de l’insuffisance d’activité physique : on peut faire du sport mais passer de longues heures assis… et vice versa.

Pourquoi cela pose-t-il problème ? Car la sédentarité augmente dès 6 à 8 heures par jour la survenue de maladies chroniques (hypertension, cancers digestifs, diabète), tous âges confondus (Santé publique France, 2023). Aujourd’hui, 80% des adolescents et 60% des adultes en France ne bougent pas assez : la Creuse, marquée par des défis de mobilité, n’échappe pas à cette tendance.

• Chez les seniors : la sédentarité accélère la perte d’autonomie et le déclin musculaire.
• Chez les plus jeunes : elle favorise le surpoids, baisse la concentration, nuit même à la réussite scolaire.
• Chez les actifs : elle réduit le bien-être et augmente l’absentéisme pour raisons de santé.

Pour contrer ces tendances, les approches intégrant la spécificité des territoires ruraux sont essentielles. En Creuse, les initiatives combinent programmes institutionnels et réponses de proximité : elles s’appuient sur une double logique, celle de l’animation de réseau et celle du “aller vers”, adaptée à la géographie, au tissu associatif et à la diversité du public.

1. Valoriser le potentiel du plein air et des espaces naturels

• Randonnée, marche nordique, circuits de balades balisés : La Creuse dispose de plus de 3 000 km de sentiers balisés (source : Comité départemental de la randonnée pédestre de la Creuse), et la marche constitue, selon l’OMS, l’activité la plus accessible pour lutter contre la sédentarité.
• Actions “sport santé sur ordonnance” : Plusieurs communes, notamment Guéret et La Souterraine, proposent des ordonnances sportives permettant aux médecins généralistes de prescrire une activité adaptée, réalisée sous supervision d’éducateurs spécialisés.
• Exemples : L’association “Découverte & Bien-être en Creuse” a mis en place un programme “Bouger au cœur des villages”, avec des séances hebdomadaires gratuites de marche et de gym douce dans des communes sans club sportif.

2. Mobiliser les relais de proximité et diversifier les formats

• Médiathèques, maisons de quartier, écoles : des lieux pivots où organiser des ateliers collectifs : séances de baby-gym, initiation à la relaxation ou au yoga pour les seniors, pauses actives pour petits et grands.
• Interventions itinérantes : Des éducateurs sportifs se déplacent dans les villages (ex : programmes portés par Creuse Oxygène et Ufolep Creuse), afin de proposer des cycles d’activités dans les zones isolées.
• L’aspect intergénérationnel : Des clubs, comme celui de Saint-Vaury, créent des “défis familles” pour inciter enfants, parents et grands-parents à marcher ou à bouger ensemble, favorisant la mixité et l’entraide.

La lutte contre la sédentarité en Creuse ne relève pas que des pouvoirs publics. Un tissu dense d’associations sportives, de collectivités, et d’acteurs du social participent activement à l’offre d’activités physiques, parfois innovantes, fréquemment adaptées.

• Le dispositif “Sport Santé sur Ordonnance” : Initié depuis 2018 en Creuse, il compte aujourd’hui plus de 250 bénéficiaires annuels, orientés après un entretien motivationnel vers des séances adaptées : marche, gymnastique douce, aquagym (source : Comité paralympique français).
• “Bouger pour mon cœur” à Aubusson : Ce programme communal s’articule autour de parcours balisés, d’ateliers-école “mieux vivre avec son cœur”, et d’un Passeport Santé pour suivre l’évolution de l’activité des participants.
• Cycle “Pause active” à l’hôpital de Guéret : Le personnel, mais aussi les patients en long séjour, bénéficient de courtes sessions de mobilité mêlant éveil musculaire, mobilité articulaire, marche autour de l’établissement, pour limiter les complications de la sédentarité hospitalière.
• Associations sportives inclusives : Ufolep Creuse et Creuse Oxygène développent des cycles de découverte multisports pour enfants et adultes éloignés du sport, en adaptant matériels et niveaux de pratique (vélo, tennis de table, danse, etc.).

L’un des freins majeurs à la pratique reste l’isolement géographique : plus d’1 habitant sur 5 vit à plus de 15 km d’un équipement sportif structurant (source : Conseil départemental de la Creuse, 2022). D’autres freins existent : coût, représentations erronées, appréhension liée à l’âge ou à la santé. Les solutions testées et éprouvées localement montrent qu’il est possible de dépasser ces obstacles :

1. Favoriser les petits groupes et la proximité : Des séances organisées dans les salles communales, les lieux de culte désaffectés, les médiathèques, les places de village ; les éducateurs sportifs mobiles y jouent un rôle clé.
2. Adopter une pédagogie adaptée : Les programmes sont conçus pour ne jamais décourager : travail en douceur, attention portée à la progression de chacun, valorisation de l’effort et de la régularité plutôt que de la performance.
3. Gratuité ou faible coût : La majorité des initiatives locales en Creuse sont gratuites, ou à contribution symbolique : faciliter l’accès sans barrière financière.
4. Développement d’outils d’auto-évaluation : Des carnets ou applications locales (ex : applications créées dans le cadre du Plan Régional Sport Santé Bien-être de Nouvelle-Aquitaine) permettent de suivre ses progrès, de renforcer la motivation.

• Coordination Sport Santé Creuse : Relais local entre soignants et clubs sportifs, propose une cartographie de l’offre adaptée dans le département (Sportsanté Creuse).
• Ateliers “Bouger ensemble” du Conseil départemental : Animations gratuites pour tous les âges, information sur les bienfaits de la mobilité au quotidien, conseils personnalisés.
• Dispositif “Pass’Sport” : Aide financière nationale cumulable avec des actions départementales pour la prise en charge d’une partie de l’adhésion à un club ou une association sportive locale.
• Médiathèque départementale : Propose des guides pratiques, DVDs, podcasts et ateliers consacrés à la prévention de la sédentarité.
• Cycle de visioconférences : Organisé régulièrement avec des professionnels de santé, éducateurs sportifs et psychologues autour du thème “Bouger, même si…”, pour vaincre les freins psychologiques et partager témoignages et astuces.

Le contexte géographique, démographique et social de la Creuse incite à inventer des réponses singulières et à tisser des coopérations : chaque commune, club ou association peut devenir un acteur central dans la lutte contre la sédentarité. Soutenir la mobilité et l’activité physique, c’est investir dans la santé durablement, prévenir de nombreuses maladies, mais aussi renforcer la cohésion locale et l’attractivité des territoires ruraux.

Des axes structurants se profilent : mutualisation des ressources, utilisation amplifiée du numérique (pour créer du lien même à distance), mise en valeur du patrimoine naturel, soutien accru aux relais bénévoles. La Creuse, loin d’être à la traîne, se positionne aujourd’hui comme un espace d’expérimentations à taille humaine, où la prévention passe par l’ancrage dans le quotidien de chacun et l’écoute de toutes les envies de bouger !